Comment l’action collective est-elle susceptible d’agir sur la protection des salariés des sous-traitants quand, partout, les tentatives de réduire les protections du travail et des travailleurs sont légion, quand les entreprises elles-mêmes sont ébranlées, et qu’afin de rester compétitives elles cherchent à s’affranchir de la législation du travail ?
Donner la parole à ceux et celles qui ne l’ont pas habituellement, (les femmes, les travailleurs de pays non-occidentaux, ...) tel est ici le pari relevé avec succès dans cet ouvrage par Michèle Descolonges qui, à travers un matériau empirique. S’appuyant sur une série d’entretiens approfondis côté syndical et côté ressources humaines, sur l’observation directe et sur le dépouillement des données existantes, l’auteur nous expose les modalités d’organisation de la protection des salariés dans des entreprises aussi prestigieuses que Renault-Dacia, Orange France Telecom ou encore Puma, dans des pays aussi variés que le Pakistan, la Roumanie, le Mexique ou encore la Corée du Sud.
Les acteurs sociaux (ONG, organisations syndicales, collectivités territoriales), et les institutions jouent un rôle non négligeable dans cette évolution. Mais c’est d’abord de solidarité entre les travailleurs de pays mis à mal par la mondialisation dont il est ici question. Ce livre oblige à sortir de chez soi pour aller à la rencontre de ces ouvriers et employés, proches et lointains, qui par leur travail contribuent à notre confort.
Préface - extraits :
Le livre s’intéresse à un phénomène central dans la nouvelle division mondiale du travail telle qu’elle est impulsée par les multinationales, celui du développement à l’échelle mondiale de la sous-traitance. Il l’examine sous l’angle des challenges posés à l’action collective des travailleurs et à leurs organisations. Le matériau empirique rassemblé par Michèle Descolonges s’appuie sur des interviews approfondis côté syndical et côté direction des ressources humaines, sur l’observation directe et sur le dépouillement des données existantes. Il est extrêmement riche et diversifié : la stratégie en termes de relations sociales de plusieurs multinationales françaises (comme Danone, EDF, Orange, Renault, Rhodia) ; l’implantation d’usines à la périphérie de l’Europe (Dacia en Roumanie) ; le recours à la main d’œuvre féminine et émigrée dans l’hôtellerie ; les nouveaux instruments internationaux (conventions de l’OIT, accords-cadres internationaux mettant en scène la responsabilité sociale des entreprises) et leur usage. Tant ce matériau que l’analyse de Michèle Descolonges offrent aux lecteurs (militant, chercheur, acteur économique et politique, responsable syndical ou associatif) ample matière à réflexion. Il faut souhaiter et espérer qu’ils sortiront de cette lecture en s’interrogeant sur l’adéquation aux transformations du travail en cours, pour les uns de leurs connaissances, pour les autres de leurs stratégies d’action ; et même qu’ils en dégageront des pistes pour réfléchir autrement et approfondir leurs engagements dans l’action collective, ses ressources et ses moyens. Car ce livre oblige à sortir de chez soi pour s’apercevoir que le monde alentour change et qu’on ne peut rester immobile. Il faut agir.
C’est en tout cas comme cela qu’en tant que chercheur j’ai réagi aux propos passionnants du livre et, comment dire, aperçu sous la surface des faits quelques ébranlements en profondeur de nos manières de voir et de saisir les réalités du travail. Ils suscitent des questions pour lesquelles personne n’a aujourd’hui de réponse satisfaisante, mais des questions qu’il faut impérativement appréhender, au risque, sinon, de rester au bord du quai et d’être oubliés. Car les choses vont à un train rapide ; les multinationales, les grands pouvoirs économiques et financiers sont à la manœuvre, les Etats et les organisations internationales sont faibles ou complaisants, divisés et largement à la traîne, les organisations syndicales en risque d’être marginalisées ou instrumentalisées.
[...]
Au total, voilà bien des questions parmi d’autres, et autant de raisons pour lire cet ouvrage, puis armés de cette lecture regarder d’un œil nouveau la réalité qui nous entoure. Et de voir dans ces travailleurs difficiles à protéger, non pas des souffrantes ou des souffrants, mais, en premier lieu, des personnes qu’il s’agit de mettre en capacité de prendre en main leur destin, à l’égal des autres et avec eux.
Robert Salais
économiste
IDHE (Institutions et Dynamiques Historiques de l’Economie)
Ecole Normale Supérieure de Cachan
Revue de presse :
Alternatives économiques, n°306, octobre 2011
"(...) les outils censés prévenir les dérives ne manquent pas. Mais il y a encore loin entre les intentions et la réalité, (...). Surtout, nous dit l’auteur, les démarches visant à améliorer les conditions de ces salariés doivent, pour être efficaces, tenir compte des situations locales. L’ouvrage l’illustre à travers plusieurs cas concrets (...). Comme l’auteur le souligne justement en conclusion, l’enjeu est d’importance (...)".
"Ni l’entreprise ni le territoire ne peuvent plus, à eux seuls, être le facteur d’unification des salariés, c’est donc la communauté de travail qui doit le devenir, postule la sociologue Michèle Descolonges. Une thèse qu’elle étaye de nombreux témoignages de salariés, de syndicalistes et de dirigeants de multinationales. [...] C’est là que réside l’intérêt de l’ouvrage, dans la démonstration qu’une action collective efficace pour les salariés des sous-traitants n’est pas un leurre, même dans des zones de quasi-"non-droits sociaux"."
« L’auteure à la fois dresse un tableau clair de ces cascades de sous traitances et souligne que, quand la législation du travail est bafouée, (...), se met souvent en place une action collective nourrie d’ "actions individuelles associées", (...) »