Ouvrage épuisé - Préface de Karine Chemla
Une invitation à voyager en mathématiques, à comprendre la nature des « équations » résolues à Babylone et la forme spécifique d’algèbre cultivée alors dans le croissant fertile. Un monde ancien qui avait disparu ressurgit un peu plus du néant. Un monde qui nous aide à percevoir la bigarrure des pratiques mathématiques et dans lequel nos mathématiques trouvent l’une de leurs racines.
« Jens Høyrup a distillé des décennies de recherches pour nous en offrir l’essence dans ce livre qu’il a voulu accessible au plus grand nombre. Saisissons cette invitation à voyager par les mathématiques. Saisissons cette opportunité de comprendre comment une mathématique peut être ni tout à fait la même que la “ nôtre ”, ni tout à fait une autre. »
Karine Chemla
Notre connaissance des mathématiques élaborées voici quelque quatre mille ans sur les rives du Tigre et de l’Euphrate est très récente. Ce n’est que dans la première moitié du siècle dernier qu’en parvenant à déchiffrer des tablettes excavées au cours des décennies antérieures lors de fouilles archéologiques en Mésopotamie (à peu près l’Irak d’aujourd’hui), on fit émerger un continent insoupçonné de savoirs mathématiques.
Les scribes anciens nous ont laissé des tablettes qui posaient systématiquement des problèmes où l’on peut reconnaître des équations quadratiques. C’est depuis lors que l’on parle d’« algèbre babylonienne ».
Que les tablettes babyloniennes manifestent une connaissance de la résolution des équations quadratiques, c’était hier un résultat. Ce n’est plus aujourd’hui – pour un historien comme Jens Høyrup – qu’un point de départ : il s’attelle à comprendre les subtilités de la langue technique à l’ai de de laquelle les algorithmes sont consignés dans les tablettes et montre en quoi les textes cunéiformes rendent également compte des raisons pour lesquelles les opérations sont employées. Notre perception de la nature de ces écrits comme textes techniques s’en trouve profondément modifiée, tout comme l’est notre compréhension de l’activité intellectuelle dont ils témoignent.
Disposant désormais d’outils d’interprétation qui nous permettent de tirer plus amplement parti des traces écrites parvenues jusqu’à nous, nous comprenons mieux la nature des « équations » résolues à Babylone et la forme spécifique d’algèbre cultivée alors dans le croissant fertile. Un monde ancien qui avait disparu ressurgit un peu plus du néant. Un monde qui nous aide à percevoir la bigarrure des pratiques mathématiques et dans lequel nos mathématiques trouvent l’une de leurs racines.
(extrait de la préface)
Ce livre décrit un aspect important des mathématiques babyloniennes,
à savoir, ce que l’on a coutume d’appeler « l’algèbre babylonienne ».
Cette « algèbre » constitue le premier exemple de mathématique
avancée qui nous est parvenue, et en conséquence elle est traitée dans
la grande majorité des exposés généraux de l’histoire des
mathématiques. Pourtant, ces exposés reposent presque systématiquement
sur des traductions et des interprétations qui datent des années
1930. Au contraire, ce livre s’appuie sur les recherches des dernières
décennies.
L’interprétation traditionnelle permettait de dresser la liste des
résultats obtenus par les Babyloniens ; des calculs qu’ils pouvaient
faire ; et, pour ainsi dire, des formules qu’ils connaissaient. Mais
comme elle partait de la pensée mathématique contemporaine, elle ne
permettait pas de reconstituer la pensée mathématique différente qui se
cachait derrière les résultats babyloniens. Le but de ce livre est de
mettre en valeur cette différence, et donc de montrer que les mathématiques
peuvent être pensées de plusieurs manières.
La version originale du livre fut écrite pour les élèves du lycée
danois en 1998. Cette version revue et traduite s’adresse en premier
lieu à ceux qui s’intéressent à l’histoire des mathématiques même s’ils
n’ont pas de connaissances mathématiques au-delà de ce qu’ils ont
appris au lycée. Les enseignants peuvent l’utiliser avec les élèves sur
plusieurs niveaux.