Olivier Tibloux, professeur de Philosophie

Hystérie connective

Lorsque les écrans deviennent miroir

Publié le 5 mai 2007

Pendant fort longtemps, l’homme eut du mal à contempler son image. Les croyances et les mythes nous mettaient en garde : Narcisse était malheureux, et les images étaient l’affaire des dieux qui les façonnaient. Puis l’Art ne fût plus exclusivement religieux et les visages se distinguèrent. Puis il y eut Daguerre, l’image fixe ; l’image-mouvement des frères Lumière ; l’image trouble des premiers téléviseurs ; les images de propagande ; les images détournées par Andy Warhol… et aujourd’hui la multiplication des images sur nos écrans d’ordinateurs.
Ce qui m’intéresse ici, ce n’est pas l’image du monde mais l’image de soi, sa propre image.

Photo Olivier Tibloux

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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| Lorsque les écrans deviennent miroir | Pour aller plus loin : |

size="2">Lorsque les écrans deviennent miroir

La tendance consiste à présent à se mettre en scène à travers des blogs, des sites, comme s’il fallait construire son double virtuel pour exister. Certains sites proposent même de créer un avatar à son image en choisissant de modeler à son image une “ poupée ” numérique (cf. http://elouai.com/doll-makers.php). Le temps est-il venu où l’homme se fait à son image ?

Tel un dieu descendu sur sa propre terre, l’homme, sur Internet, multiplie ses identités, ses métamorphoses et ses avatars ( le terme avatar avait pour premier sens dans l’Hindouisme : “ descente et incarnations d’un dieu sur terre ”, avant de signifier par extension “ transformations et métamorphoses ”). Car seule une identité numérique permet d’occuper les nouveaux espaces de communication qui se créent à chaque instant sur le gigantesque et tentaculaire réseau.

Cependant, il existe, comme dans la vie réelle, des problèmes d’identité, même lorsqu’elle est numérique. Alors que chacun essaye de construire sur la toile son image numérique idéale, c’est-à-dire celle qui séduit le plus, apparaissent parfois dans le même temps des images de soi, des images non contrôlées qui viennent brouiller sa belle apparence.

La notion d’identité numérique est en elle-même contradictoire et paradoxale, car mêlant réalité et virtualité, elle existe et n’existe pas à la fois. Je m’explique : d’un coté, il n’y a aucun moyen d’identifier qui fait quoi sur la toile. Chacun peut se dissimuler sous des pseudos, des masques ou des adresses créés en quelques clics. Le larvatus prodeo est la devise des échanges et des forums. De l’autre coté, chaque fois que nous nous connectons, discutons, téléchargeons, nous laissons des traces indélébiles qui constituent une image de nous que nous ne voulons pas forcément voir ou laisser voir.

Et pourtant cette image est regardée. Les dernières études montrent que plus d’une personne sur deux tape son propre nom dans les moteurs de recherches. Plus d’une personne sur quatre y cherche des informations sur des connaissances, des collègues, ou de futurs employés.

Les miroirs se multiplient et il n’est pas sûr que l’homme supporte bien d’être reflété à l’infini.


Echo et Narcisse, J.W. Waterhouse, 1903

Pour aller plus loin :

– Vous pouvez visiter des plateformes de blogs comme http://canalblog.com ou Skyblog ou Blogger ou Slaceblog. Ne pas craindre une visite avec des mots-clés comme "miroir" ou "reflets" !

– Et pourquoi pas saisir des noms comme « Royal » ou « Sarkozy » dans Google, qui propose un outil de recherche avancée dédié aux blogs ?

Dans Wikipedia, un article sur Second Life, univers partagé où chacun peut faire vivre virtuellement son avatar : (voyez en bas de page les liens externes).


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