Alain Prevot

Un monde "libre", sans droits ni devoirs ?

Droit et Tice

Publié le 24 janvier 2012

Tice, Internet et outils multimédias : un monde libre, sans droits ni devoirs ?

Si l’essentiel du droit relatif aux oeuvres de l’esprit a
été mis en forme avant l’explosion des outils multimédias et,
de ce fait, semble souvent difficile à appliquer, ne croyez pas
que tout est libre ou que vous ne bénéficiez d’aucune
protection. Pensez-y en réalisant un site d’établissement ou en
mettant vos élèves en relation avec le Net.

La même prudence s’impose pour informatiser,
particulièrement sur support public, des données concernant des
personnes (bulletins, emplois du temps, etc.) et dans ce cas il
faut impérativement éviter de considérer documents papier et
documents électroniques comme équivalents. En effet, c’est le
constat d’une spécificité susceptible de faciliter diverses
atteintes au droit des personnes qui a conduit à la création de
la CNIL (Commission Informatique et Libertés).

...

Sur cette page :

| Site Web du lycée ou du collège : quelles
obligations ?
| Liens utiles |
Droit et Tice, réflexions syndicales | Pour en savoir plus | A suivre... |

size="2">Site Web du lycée ou du collège : quelles
obligations ?
}

Y a-t-il un responsable ?

Pensez à dire qui le réalise, pour quel public et pourquoi.
La loi impose les mêmes contraintes à toute publication :
nom et adresse de l’organisme, directeur de publication
(Proviseur ou Principal ?), responsable de la rédaction
(enseignant,...) et identification de l’hébergeur.

Quels droits sur les contenus originaux ?

Si élèves ou enseignants mettent en ligne leurs créations,
Il s’agit surtout de respecter les droits moraux : à
la paternité (nom de l’auteur) et au respect de
l’œuvre (pas de modification sans accord). On tolère
des mises à jour sur des contenus techniques ou pratiques dont
l’originalité n’est pas équivalente à un texte littéraire,
une oeuvre d’art, etc.

Mais, êtes-vous vraiment propriétaires de votre
travail ? Pas simple. Des textes, souvent clairs, des lois
même, se contredisent. L’état revendique parfois des
droits d’exploitation, notamment sur des logiciels créés
dans le cadre scolaire, avec les moyens de l’établissement,
mais les droits moraux restent aux auteurs. Des jugements
récents concluent que "L’auteur d’une oeuvre de l’esprit
jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit
de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous",
quelle que soit sa nature. Dans cet esprit, vous pouvez mettre
vos cours en ligne sous votre responsabilité, notamment sur un
site personnel ; mais il sera prudent d’affecter au site de
l’établissement le travail fait par et avec vos élèves. Et vos
élèves ne peuvent, sans votre accord, diffuser vos cours.

Utilisation d’oeuvres de tiers

Pour des œuvres du domaine public (plastiques,
littéraires, musicales, photographiques, etc.), c’est à dire
dont l’auteur s’est éteint depuis plus de 70 ans, aucune
autorisation n’est nécessaire. Attention, l’exécution d’une
partition est protégée, comme la photo d’une peinture du
domaine public.

Dans les autres cas, il faudra contacter l’auteur, qui
peut donner une autorisation gratuite (limitée à un
usage précis), écrite (souvent par échange de mails,
quoique ce ne soit pas une "preuve"). Une rétribution,
forfaitaire, peut être demandée, réglée par le biais d’une
société de gestion.

Il existe un mouvement pour des licences
"libres" : vous pouvez utiliser librement, sauf
commercialisation, ces documents, logiciels,... et parfois même
les modifier (conditions à lire sur le site-source). Un échange
de mails s’impose cependant.

La citation aux fins d’analyse et les dossiers de presse sont
des usages très encadrés, et des extraits significatifs
supposent l’accord de l’auteur : la courtoisie évite bien
des soucis...

Dans tous les cas, veillez strictement au respect des
"droits moraux".

Il est interdit de diffuser par messagerie des œuvres
protégées (articles de presse envoyés à des listes de
diffusion...).

Hyperliens

L’établissement de liens est, généralement, libre et
ce peut être tentant de s’en servir pour enrichir un site sans
s’embarrasser de droits ! Vous devez éviter toute
ambiguïté, faire apparaître qu’on quitte votre site pour en
rejoindre un autre (clairement identifié, l’adresse ne peut
suffire). Pointez si possible vers les l’accueil ; pour
un lien profond (un article), vérifiez que la page visée permet
de naviguer sur le site, demandez l’autorisation afin
d’éviter d’être poursuivi pour
"parasitage" ; ne pas établir de lien vers les
pages ou sites spécifiant un refus ; retirez le lien si tel
est le souhait du titulaire ou respectez les conditions de
présentation qu’il demanderait.

En créant un lien vous affectez à la page liée un cadre de
destination (d’affichage), "_blank" fait ouvrir
une nouvelle fenêtre au navigateur, sans ambiguïté (mais
alourdit une navigation de lien en lien). Ne faites jamais
afficher dans une fenêtre de votre environnement ce qui ne vous
appartient pas.

 Pour les hyperliens, voir sur Forum des droits sur l’Internet, la recommandation relative aux liens hypertextes

Utilisation d’une base de données

Certes, les ressources d’une base de données sont destinées
à être utilisées. Mais pas pour une diffusion
parallèle ! L’idée est de ne pas porter atteinte aux
droits du producteur, lisez donc la licence d’utilisation qui
est, légalement, jointe à la base.

Production d’une base de données

Si elle comporte des données nominatives, la loi impose de
déclarer le traitement auprès de la CNIL et d’informer les
personnes fichées.

Qui met en ligne ? Et si des dérapages ?

Pour rendre les élèves responsables, sans être
irresponsable, on peut les laisser écrire sur le site avec un
logiciel coopératif comme Spip. Chaque membre autorisé
peut lire ce qui s’écrit. L’affichage public est déclenché par
un clic d’un "responsable", qui peut aussi faire ses
observations avant publication, refuser celle-ci, amender.

Bien évidemment, tout ce qui s’applique à une publication ou
une expression publique est valable ici, sous la responsabilité
du directeur de publication. Le respect des personnes s’impose,
les thèses racistes sont un délit, ... Par conséquent, si
votre site donne accès à des forums ou des listes de diffusion,
ils devront être modérés (un responsable contrôle les envois,
a priori ou a posteriori). En revanche, la loi
protégeant le secret des correspondances, il n’est pas question
de contrôler les courriers entre individus.

Utiliser des logiciels piratés par mesure d’économie ?

Sur votre site, tel qu’il est, avec votre navigateur, affichez
le code source et lisez. Les logiciels utilisés apparaissent.
N’utilisez pas de logiciel piraté. Il y a suffisamment de
logiciels gratuits performants !

Oh là là !

Pas d’affolement, les réflexes de civilité lèvent bien des
obstacles : culture et créations n’ont de sens que
partagées. Certaines conséquences de lois, marquées par la
commercialisation des oeuvres, défient le bon sens dès lors
qu’il s’agit d’éduquer mais les auteurs en sont conscients et
donnent souvent les autorisations nécessaires. Les sociétés
d’édition, en revanche, sont de très généreuses à
curieusement mesquines !


Liens utiles}

 Educnet, rubrique juridique avec un guide conséquent de l’Internet scolaire.

 Forum des droits sur l’Internet

 Code de la propriété intellectuelle, à rechercher avec l’outil de recherche sur le site Légifrance, legifrance.gouv.fr/

 Droit à l’image et droit de l’image par Philippe GAUVIN, Division des affaires juridiques - CNDP -juillet 2006, MAJ avril 2010 (P. Gauvin).


Droit et Tice, réflexions syndicales}

Droit et éducation : en conflit ?

Copie d’une image que vous possédez, vidéo achetée chez un
distributeur, cédérom..., bien souvent vous n’avez droit qu’à
un usage privé, dans le cadre strictement famililal. La loi
limite ainsi considérablement la liberté pédagogique, voire
fait entrave à l’exercice de nos missions. Que citer ses sources
soit un devoir est évident. Qu’il faille renoncer à exploiter
en classe une vignette de BD connue de tous, ou une séquence
d’émission de télé... est scandaleux. Il faudrait traiter
spécifiquement l’usage éducatif dans le droit de la propriété
intellectuelle.

Le droit de copie, géré par le CFC(1), constitue
une prise en compte (pour l’imprimé) de cette spécificité,
mais... il s’y lit un rapport de forces imposé par une partie du
monde de l’édition. Avantage : nous pouvons
"travailler en toute légalité". Inconvénients :
coût élevé, alors que donner à étudier des extraits
d’oeuvres c’est former des jeunes à s’y intéresser...

Messageries et droit du travail

Un courrier à l’adresse institutionnelle nominative d’un
agent ne peut (en droit) être ouvert que par lui-même. On peut
consulter sa boîte personnelle depuis son lieu de travail (dans
les pauses !). Passez par un outil de type webmail (pas de
compte requis sur le poste) et, comme pour Siam
(mutations), I-prof, gestion de notes, ou tout espace
personnel avec mot de passe, veillez à ce que celui-ci ne soit
pas retenu. Quittez le service et fermez le navigateur après
utilisation, pour éviter toute intrusion d’un utilisateur du
même ordinateur.

Droits syndicaux

Les droits syndicaux n’ont pas été transposés aux moyens
techniques actuels. C’est pourtant une nécessité :
réception et envoi de courrier (par exemple en période
électorale), accès aux dossiers nécessaires à la défense des
droits des collègues, etc.

Bases de données

L’informatisation des bulletins et les diverses possibilités
des logiciels correspondants, font gagner du temps... mais
permettent des dérives ("flicage", capture d’adresses
à fins commerciales, etc.). Avant de contribuer naïvement à la
mise en place d’un système de fichage (des élèves et
personnels), informez-vous du cadre légal à respecter et
imposez que réflexion et décision impliquent toutes les parties
et leurs élus. Voir la norme simplifiée n° 29(2) de
la CNIL qui prévoit les délais de destruction des fichiers de
notes, exclut les appréciations, etc.

Un exemple de choix faussement anodin : agenda affichant
l’emploi du temps des classes avec nom de l’enseignant,
matière, salle. L’information peut toucher un nombre plus
important que sur papier, au-delà du cercle strictement
concerné. Les risques d’atteinte à la vie privée sont
conséquents. Il est conseillé de limiter l’<font
face="Arial,Bold">accès à l’agenda
,<font
face="Arial,Bold"> d’informer les enseignants concernés,
voire d’obtenir leur autorisation.


Pour en savoir plus}

 Un dossier documenté sur le site du SNES, avec informations sur la législation, analyses et propositions concernant les organisations syndicales,courrier de S1, réservé aux adhérents

 (1) Centre Français d’exploitation du droit
de Copie, CFC
, cfcopies.com

 (2) Site de la CNIL, http://www.cnil.fr, page de la norme 29


<font
color="#000080" size="3" face="Arial">A suivre...}

Nous n’avons pas pu (su ?) traiter ce dossier en 2 pages aussi nous
prévoyons la publication d’articles complémentaires et de mises
à jour dans les prochains numéros : charte
d’établissement, mouvement des licences libres, droit des images
et droit à l’image, droit (?) à citation, reproduction du
patrimoine des musées, lien ou syndication ? etc. Aidez
nous à alimenter cette rubrique en nous faisant connaître vos
attentes et vos savoirs.


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TICE du citoyen et du militant

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