Natalie Pigeard-Micault

Charles-Adolphe Wurtz. Un savant dans la tourmente

1865-1875 : Entre bouleversements politiques et revendications féministes

Publié le mars 2011

Acheter l'ouvrage

entre histoire des sciences et histoire sociale
article630

Comment Charles-Adolphe Wurtz, chimiste reconnu, est-il devenu doyen de la Faculté de médecine de Paris entre 1866 et 1876 ? C’est à ses côtés que l’on pénètre au cœur d’une époque passionnante, que ce soit par ses bouleversements politiques, de l’Empire à la République, ou par les luttes de pouvoir, précisément documentées, entre un clergé dénonçant un enseignement considéré comme trop matérialiste et une Faculté reflétant l’évolution des théories scientifiques. Une autre lutte, celle des femmes pour l’accès à l’enseignement supérieur et à la profession de médecin, est également relatée, parallèlement à une description de l’impact sur la société des évènements majeurs de cette période : la guerre de 1870, la Commune de Paris, la mise en place d’un gouvernement instable et d’un régime sans Constitution.

C’est l’histoire d’un engagement discret mais pourtant réel et efficace qui est relatée dans cet ouvrage. De l’entrée du corps féminin à la Faculté à sa contribution à la chimie atomiste, Wurtz est ici reconnu comme un personnage incontournable d’une période qui a marqué un tournant dans notre histoire.

Natalie Pigeard publie ici, largement réécrit et élargi pour une meilleure compréhension de la période et des enjeux, un travail de thèse au carrefour de l’histoire des sciences, de la sociologie et de l’histoire politique...

Préface

Ce livre démontre la fécondité de l’approche biographique pour mettre la science en culture, selon l’expression consacrée. En suivant presque au jour le jour une phase de la carrière d’un chimiste du XIXe siècle, Natalie Pigeard-Micault relève le défi de « raconter » l’histoire de la France d’une époque. Mais elle fait mieux encore : elle réussit à plier le récit historique aux trois règles de la dramaturgie classique : unité de temps (dix ans), unité de lieu (la faculté de médecine de Paris), unité d’objet (un personnage).
Cette prouesse d’écriture relève d’un choix d’auteur, choix d’une écriture claire, concise et dépouillée de préférence au style universitaire. Ce choix n’implique pas pour autant de tourner le dos à l’érudition : Natalie Pigeard a condensé dans son récit une masse énorme d’informations patiemment recueillies. Explorer les archives, dépouiller la presse, avaler de gros livres spécialisés sur l’histoire politique de la France, l’histoire sociale des femmes, l’histoire des doctrines médicales, de la chimie, de la religion… tel est le secret qui permet de croiser toutes ces histoires en un récit concret et haut en couleur. Le travail sur les sources manuscrites et imprimées met en relief quelques traits durables de la vie universitaire française comme le cumul des fonctions, les querelles intestines, les contestations étudiantes… Il permet également de corriger quelques clichés bien ancrés sur les rapports entre science et religion dans la société française, ou encore sur le conservatisme des chimistes français.
Car ce portrait de chimiste en doyen nous transporte dans une période de restructuration de l’enseignement médical, de luttes entre vitalistes et chimistes, entre catholiques et matérialistes, entre partisans de l’enseignement privé et partisans du public. Face à ces tensions, comme durant l’explosion populaire de la Commune de Paris, Wurtz déploie un art consommé de gestion des conflits. Cet Alsacien, protestant convaincu, adopte des positions politiques modérées, tout en défendant fermement l’indépendance de la science comme l’accès des femmes aux études de médecine.
Va-t-il utiliser ses responsabilités administratives comme tremplin pour une carrière politique, à l’instar d’autres chimistes du XIXe siècle qui ont conquis des ministères ? Wurtz semble lassé par dix années passées dans la tourmente des affaires universitaires, et s’en retourne au laboratoire. Sur la scène académique, il livre un autre combat, non moins acharné, pour la notation atomiste en chimie. S’il gagne la partie, contre des adversaires aussi puissants que Marcellin Berthelot ou Henri Sainte-Claire-Deville, c’est essentiellement en formant des chimistes dans son laboratoire, en créant une école de recherche. D’où la leçon que suggère le profil de Wurtz : la science est aussi un champ de bataille où la meilleure stratégie est la guerre d’influence et l’arme la plus efficace, l’essaimage des élèves en diverses sphères d’activités.

Bernadette Bensaude-Vincent

Dans la même collection

Des sciences, des hommes, des concepts

Découvrir
Découvrir
Découvrir
Découvrir
Voir les autres ouvrages de cette collection